Numéro

Six

Monoblog

Mickey à mobylette

La couverture de Zarnawak, plus précisément le guignol habillé en Mickey, est un jeune Numéro Six en uniforme de chef de corps. Ce cliché a une histoire. J’étais un peu poursuivi par les flics… D’ailleurs sans eux, pas de photo ; merci les gars.

Je me rendais à une fête. Pressé, j’enfourchais ma mobylette – une chiotte de cent-trois bricolée et barbouillée au noir avec un radiotéléphone, une sorte de cibi – pour foncer au rancard à la moyenne de cinq infractions par minute.

C’était vers la fin des années soixante-dix. Le casque était déjà obligatoire mais un téléphone sur une mobylette… avec vrai combiné de téléphone – à cause du bruit de la mob – était alors aussi vraisemblable qu’un président de la république traitant ses sujets de « sans dents » ou de « riens ».

Sur le haut d’un pont, j’ai croisé une voiture de poulets.

Ils ont vu une flèche de clown sans casque, sur une mobylette noire et bizarre, portant d’authentiques lunettes noires SNCF, sapé en colonel du 19ᵉ siècle – veste bleu céleste, falzar rouge et képi sur la tronche – zigzaguant d’une main en se marrant au téléphone, avec dans l’autre pogne un gros combiné noir aux allures de casse-tête. Pour dire, les condés avaient les mêmes dans leurs caisses. À un détail près ; ils étaient gris.

De mon côté, aperçu trois volailles avec des yeux en soucoupes puis, dans le rétroviseur, un coup de frein franchement sale, suivi de sons moches et rythmés par des lumières bleues.

J’allais prendre une grosse avance sur mon retard. Il me restait dix secondes pour les priver de leur petit bonheur. J’enquillais une voie étroite en virage supersonique, pour rejoindre fissa la baraque du pote le plus proche.

Il n’était pas là mais sa mère si. On a planqué la mobylette, causé un moment puis, à l’instant de partir, elle m’a dit :
– Attends, faut que je te prenne en photo.

C’était à l’arrière de leur jardin, sur un tas de pierres de dallages.

Quarante ans plus tard, un logiciel de traitement d’images a fait le reste.

Puis il a fallu justifier la couverture du livre ; soit écrire une nouvelle.

Toutefois, cette dernière propose une explication bien différente. Car, en vérité, la photo a été prise un siècle plus tôt, en 1884, pendant « l’expédition du Tonkin », lorsque la France, après avoir déclaré la guerre à la Chine, gagna cette campagne – à vingt contre un – qui, du point de vue occidental, ne méritait pas même le nom de guerre… malgré plus de dix mille morts indigènes, sans compter les innombrables blessés, pour le gain d’un territoire qui deviendra, quelques décennies après la seconde guerre mondiale, le Vietnam.

Et comment et pourquoi me suis-je retrouvé là-bas ? C’est tout bête. Une distraction. C’est d’ailleurs le nom de la nouvelle…

Ba Be Bi Bo Bu. Appel général de TNZ1.

Il y a lieu de mettre sous surveillance un individu de type indéterminé, sexe masculin, brun, taille et corpulence moyennes.

Susceptible de circuler à bord d’une mobylette Peugeot 103 de couleur noire, avec des pneus noirs, des poignées noires et un antivol noir. Il est équipé d’un radio-téléphone noir avec un combiné  noir et une antenne noire sur le porte bagage noir.

L’individu est coiffé d’un képi bleu à liserés or, vêtu d’une veste bleue à col rouge et d’un pantalon rouge à bandes bleues. Il porte des lunettes noires, des gants noirs et des chaussures noires.

Recherché pour port illégal d’uniforme et de décoration, usurpation de fonction d’officier supérieur, délit de fuite, défaut de casque, usage d’un téléphone pendant la conduite, détention prohibée d’un appareil de radio-communication, utilisation du spectre radio-électrique sans autorisation, absence de silencieux sur le pot d’échappement, conduite dangereuse, défaut d’éclairage, non respect de la signalisation horizontale et diverses infractions au code de la route de moindre importance.

Les agents en patrouille sont avisés que le niveau sonore de l’engin peut aider à sa localisation dans un rayon d’environ cinq cents mètres.

Rapporter tout signalement au CIC. De TNZ1 à tous terminé.